La goutte du jour de l'An
Dans ma campagne natale de la France profonde, il était d’usage quand venait le jour de l’An, quand j’étais toute petite, toute jeunette, toute mignonnette, de sillonner la campagne à vélo ou à pied, de ferme en maison pour souhaiter la bonne année, à la famille, aux voisins ou à de simples connaissances. Et de gambader dans les rues du bourg, toquant ça et là aux portes familières. C’est ainsi qu’on buvait une ch’tite goutte du jour de l’An (enfin… pas moi, j’étais trop jeune). Cette goutte ce n’était pas n’importe quel alcool, c’était la bonne gnôle alambiquée à l’entrée de l’hiver. De la prune ou de la poire, ou des fruits mélangés, selon la récolte. Ma Mémé ne dérogeait jamais à cette coutume, elle qui détestait l’alcool quel qu’il soit. Pourtant elle aimait attendre ses visiteurs du jour de l’An, fière de son achat pour l’occasion. Car évidemment, chez elle point de cette bonne gnôle. Des jours voire des semaines auparavant, elle préparait cette fête du père Janvier. Je l’accompagnais à l’épicerie du village pour acheter la liqueur à laquelle elle restait fidèle d’année en année, une crème de noisette délicieusement sirupeuse, colorée comme un caramel que ma Mémé était heureuse de servir dans de tout petits verres finement ciselés. Je crois que ces verres ne quittaient le placard qu’une fois par an. J’aimais les regarder, mes yeux d’enfant les trouvaient si fins et si fragiles ! C’était un spectacle annuel, rituel et je m’entends encore oser « Mémé, je peux goûter ? Juste un petit peu… une toute petite goutte » (comment ça c’est l’ivrogne en devenir qui se révèle ?)
Alors, vous trinquez avec moi ? tchiiiin et bonne année à toutes et tous ! Bonne santé surtout ! Je vous souhaite tout le bonheur qui puisse être donné et reçu. Que du beau, du bon, du bonheur (et Dubonnet pendant qu’on y est) Avec modération bien sûr !