89ème devoir du Goût
Les lundis du Goût
Vous n’habitez pas forcément Paris, pas plus que vous n’en êtes autochtones.
Néanmoins, je suis sûr que vous savez ce qu’est la Tour Eiffel.
Peut-être même l’avez-vous gravie.
À moins que l’ascenseur, plus dispendieux mais plus reposant, ne vous ait fait découvrir sans effort Paris vu d’en haut.
J’en déduis que vous avez probablement quelque souvenir à raconter ou quelque opinion à nous faire partager.
Votre imagination sera sûrement sollicitée par cette aquarelle de John Salminen…
À lundi, d’accord ?
La Dame de fer, ainsi appelle-t-on la tour Eiffel. Je trouve cependant que ce terme convient mieux à Madame Thatcher, la tour Eiffel inspire sans doute de bien doux souvenirs à bon nombre d’amoureux, amoureux de Paris ou amoureux tout court !
J’avais dix-sept ans lorsque j’ai gravi les nombreuses marches de ce bel édifice. Le sol n’était pas en verre à cette époque. Je ne garde pas grand souvenir de cette ascension, j’avais d’autres soucis, comment dire… de jeune fille amoureuse… ou plutôt prête à tomber amoureuse.
Eh oui, pour une oiselle débarquant de sa campagne, côtoyant plus les canards et les poules de la basse-cour que les beaux jeunes hommes parisiens, il y avait quoi avoir le tournis ! De plus, avec les amis (amis d'enfance de Maman) qui m’accueillaient, nous avions investi les Champs Elysées depuis cinq heures du matin pour assister au défilé du 14 juillet. Alors là… tous ces beaux militaires m’ont fait craquer à m’en décrocher le cœur ! (euh… encore maintenant, l’uniforme… waouh !). Bon, passons, ce jour-là pas un regard ne s’est arrêté sur mon joli minois.
Par contre, la visite de Paris fut sympa… sauf que j’ai plus regardé, détaillé, contemplé, admiré mon guide que les monuments de Paris. Mes amis avaient délégué un jeune homme de leur entourage pour me faire découvrir la capitale. Les naïfs ! LES NA-ÏFS ! Ils auraient voulu me jeter dans les bras de ce joli garçon qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement ! Moi fleur bleue toujours prête à voir surgir devant moi le prince charmant, à croire au grand amour éternel et tout-puissant, lui tout mignon, et hop nous tombâmes amoureux. Mais attention, ce fut une amourette chaste, toute douce, pleine de retenue… main dans la main, des petits bisous tendres… et c’est tout, et-c’est-tout ! On a ri comme des fous dans tous les manèges de la fête des Loges, on a dansé comme des dingues sur une place le soir du 14 juillet… et chacun est rentré sagement de son côté.
Là, en cet instant, je me demande ce qu’il est devenu, est-il heureux, pense-t-il à moi parfois, à notre jeunesse insouciante ? Je ne sais plus son nom ni son adresse. C’est peut-être mieux ainsi. Rester sur ces souvenirs d’un temps où la vie nous avait épargné ses méchants coups de griffe et donné en cadeau d’immenses bonheurs.
(Ah là là Monsieur le Goût ! Tu as le chic pour raviver, faire ressurgir nos souvenirs les plus enfouis ! Ceci dit la photo est belle, surtout très impressionnante.)