Praline en mer
Les lundis de Lakevio
"Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…"
Emile Verhaeren - Le Voyage, extrait )
Voyage immobile, rêverie en bord de mer, souvenir de voyage, promenade en mer...
Vous l'avez compris : thème imposé : la mer !
Vous connaissez « Martine à la plage », maintenant, Mesdames et Messieurs, j’ai l’honneur et l’avantage de vous présenter « Praline à la mer ».
La première fois que je suis allée en Corse, j’ai beaucoup aimé la croisière reliant Bonifacio aux îles Lavezzi. Une eau turquoise et transparente permettant d'admirer une multitude de poissons. Des rochers rouges surgissant de la mer. Doux soleil, brise marine enivrante, farniente, bronzage… Sea sex and sun ! Je me suis imaginée au paradis… c’est aussi le paradis (fiscal) de quelques milliardaires résidant sur l’île de Cavello que nous avons contournée sans l’approcher, laissant apercevoir de somptueuses demeures dont les façades aux couleurs ocre se fondent dans le paysage.
La deuxième fois que je suis allée dans l’île qui porte bien son nom d’île de beauté, j’ai refait la même croisière, ben oui, on ne s’en lasse pas ! Avec les copines et les copains, guillerets, nous voilà installés sur le pont supérieur, avides d’embruns, de soleil, de vagues se fracassant contre la coque. Pas question de rester enfermés, au ras des flots, bien sagement assis à regarder l’écume venant mourir sous notre nez ! J’ai envie de chanter « Vogue, vogue vieux navire, vogue, vogue grand bateau, que ton étrave déchire le néant des flots », une chanson de Jeanne Moreau que j’aime. Mais voilà qu’à peine arrivés en pleine mer, c’est la tempête… Mes amis quittent les lieux, me demandent de les suivre, je ne veux pas ! Ils doivent crier pour se faire entendre, la mer est furieuse et bruyante. Je réponds de même, je hurle : Je-veux-res-ter ! Je veux voir et ressentir ce que vivent les marins dans la tempête ! C’est clair, laissez-moi… Me voilà seule, enfin non, pas seule, un petit couple d’amoureux est là aussi, blotti, s’agrippant l’un à l’autre. Et moi je m’agrippe à personne, je me cramponne fermement au bastingage, d’une main, tandis que de l’autre je serre contre moi mon sac –que j’ai glissé sous mon kway-, parfois je réajuste mes lunettes qui menacent de s’envoler. Je sais maintenant, j’en suis sûre, j’en ai la preuve, je n’ai pas le mal de mer. Imaginez ! Le bateau plonge de plusieurs mètres dans le creux de la vague, en même temps que je me retrouve copieusement arrosée. Je ne vois plus rien, le trou noir, et puis le bateau refait surface et là je suis au zénith, je vois l’horizon, beau, ensoleillé malgré mes verres de lunettes opaques, trempés... enfin, je vois surtout le ciel quand le bateau, à la verticale, refait surface. Nous arrivons dans une petite crique, le calme semble revenir. Un membre de l’équipage en profite pour s’inquiéter de moi et vient me demander si je veux bien descendre. Déterminée, je refuse. Et c’est reparti. Nous n’irons pas jusqu’aux îles Lavezzi pour cause de mer déchaînée. Demi-tour. Le retour se fait dans les mêmes conditions, je suis sur les montagnes russes, j’ai parfois souvent peur, le fracas du bateau sur les vagues me donne l’impression qu’il va se briser en mille morceaux. Et moi qui nage comme un marteau… Enfin nous voilà au port. Mes amis rient aux éclats en me découvrant dégoulinante des pieds à la tête, même pas nauséeuse… eux ils le sont, car en bas ça vomissait à qui mieux mieux !
Jeanne Moreau - Où vas-tu Mathilde
Sintineddi(chant Corse).Canta u populu Corsu (photos jean luc)