Le feu rouge
Les lundis de Lakevio
Robert Kenton-Nelson
Vous me connaissez, je régule la circulation. J’appartiens à un trio coordonné et ce n’est pas de tout repos ! Mes potes sont, l’un orange, l’autre vert. Et moi je suis rouge et fais souvent voir rouge. Remarquez, orange, rouge ou vert, les automobilistes n’ont jamais l’air content. Du plus loin qu'ils le voient ils roulent à toute allure ou démarrent en trombe quand mon pote vert apparaît. Faut les voir foncer, vers qui, vers quoi ? Quand surgit mon pote orange, s’ils n’accélèrent pas comme des sauvages pour m’éviter, ils pilent devant lui dans un infernal crissement de freins, visages fermés et se mettent à tapoter nerveusement leur volant. Et quand j’entre en scène, quel charivari ! Certains sont carrément furieux, ils font ronfler le moteur, ça pétarade et ça pue l’essence. C’est à celui qui démarrera le premier, on se croirait sur un circuit de course automobile. Les piétons s’élancent devant ces bolides prêts à bondir dès que j’aurai disparu. Dernièrement, une petite grand’mère n’a pas traversé suffisamment vite, fallait entendre le concert de klaxons ! Quelques automobilistes se saluent, beaucoup d’autres s’engueulent. De temps en temps le spectacle me réjouit, les amoureux profitent de cet arrêt pour s’embrasser et se faire un câlin. Au beau milieu de ce flot bruyant et excité, un peu de tendresse et d’amour me fait le plus grand bien, j’aimerais rester là encore et encore, à rêver et me dire que le monde n’est finalement pas totalement dépourvu d’humanité.