Le bus
Le jeu d'écriture de Lakevio reprend, aujourd'hui il s'agit d'écrire un texte à partir de cette photo
Le bus de Dan Volenec
Non, je ne suis pas triste, pas du tout. Je suis énervée, je n’en peux plus. Cela fait deux heures que l’autocar roule dans la campagne riante et verdoyante, je devrais donc être ravie, heureuse, moi qui aime tant la nature. Qui plus est, je me fais une joie de revivre ce parcours, de faire ce voyage, que dis-je ce pèlerinage. En effet, cela fait quarante-cinq ans jour pour jour que j’aime celui qui allait devenir mon mari. Mon amour, ma tendresse, ma raison d’être et d’exister. Quarante-cinq ans… quel bail ! Je réalise à peine… toutes ces années à s’aimer, à élever nos enfants, à travailler pour eux, pour nous, pour notre bien-être, toutes ces années diluées dans un bonheur parsemé de chagrins aussi. Ma fille qui naît alors que ma mémé adorée meurt. La dualité mais l’envie folle de se relever. Je rêve, ai la gorge serrée un instant puis un sourire naît sur mes lèvres tandis que l’autocar arrive à la frontière franco-italienne. Je vais enfin connaître cette famille volubile et bruyante, accueillante et aimante, enfin déguster un véritable minestrone et me gaver de pâtes roulées le matin même par zia Bruna qui m’avait serrée dans ses bras, à m’en étouffer, le mois dernier. Je suis dans mes douces rêveries de jeune fille amoureuse souriant largement à la vie, quand tout à coup une femme s’installe à mes côtés, sans délicatesse et m’apostrophant sans délai. Et la voilà qui me dit d’où elle vient, où elle va, qui elle va voir, pourquoi elle y va… et je vous assure que c’est du lourd ! Je me renfrogne, essaie de m’isoler dans ma bulle, mais c’est impossible, nous voilà maintenant dans le registre du mari qu’elle ne supporte plus, que la guerre est déclarée entre eux et que ça va barder sous peu… et voilà mon voyage qui pourrait bien être gâché… Mais non, je vais changer de siège, je veux revivre mes moments heureux de jeune amoureuse, je ne veux pas que ce genre de mégère m’en prive, c’est si bon les souvenirs, ceux-là même qui m’aident à continuer la route sans Lui.