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Pralinensavoie...                 et parfois ailleurs
20 juin 2016

Mariage

Proposé par Lakevio, un tableau de Harry Anderson.

lakevio

Sans bruit, Alice s’est faufilée parmi les invités. Elle a appris par sa copine Léonie, témoin de la mariée, que les demoiselles d’honneur porteraient une longue robe rose. Les deux jeunes filles sont des copines communes à la jeune épousée qui ne connaît pas Alice.

Par contre, le marié... Alice en est tombée amoureuse voici plus d’un an. En se rendant à pied à son travail, tous les matins elle a croisé le sympathique jeune homme. Tous les matins ils se sont salué, se sont souri. Un jour, un peu plus hardie que d’habitude, elle s’est arrêtée devant lui et a engagé la conversation. Banale au début. Puis un peu plus intime. Ainsi fut prise l’habitude. Chaque jour. Pluie, vent ou soleil brûlant, quelques instants de bonheur sont venus égayer les journées d’Alice, petit oiseau perdu, privée de ses parents morts récemment dans un accident de la route. Mais voilà, Bertrand est fiancé. Bien conscient des sentiments qu’il suscite, de la douleur et de la déception qu’il infligera à la jeune fille, il prit son courage à deux mains pour lui annoncer son prochain mariage.

Nous venions, Alice et moi, d’entrer dans la vie professionnelle. C’était en 1971. Elle était ma voisine de chambre au foyer de jeunes travailleuses, au 60 rue de Bourgogne à Moulins. En rentrant le soir elle me racontait son petit papotage avec Bertrand. Elle redevenait heureuse, pétillante, joyeuse. J’en soupirais d’aise.

Ce soir-là elle rentra en pleurs. Elle s’écroula sur son lit, inconsolable et entre deux sanglots m’annonça le mariage de Bertrand. Je ne sus que dire pour l’apaiser, je ne pus que l’écouter et lui tenir la main. Elle ne dormit pas de la nuit et partit travailler le lendemain les yeux rougis et le visage boursouflé. Je n’étais pas en meilleure forme !  Et ainsi pendant un mois, des larmes, des nuits blanches, des idées suicidaires. Jusqu’au mariage où je ne pus la dissuader de se rendre tant le risque était grand de se blesser plus encore mais surtout de perturber une si belle fête.

Comme un automate, comme si plus aucune réaction humaine ne l’habitait, elle vêtit sa jolie robe rose. Durant la cérémonie elle se cacha derrière un pilier au fond de l’église et s’enfuit avant la fin de la célébration. A l’heure du dessert, elle réapparut dans le grand parc où la fête battait son plein. Les jeunes mariés découpaient le gâteau en riant. Alice se tint en retrait, partagée entre l’envie folle d’aller embrasser une dernière fois son amour et celle de se sauver et de crier sa douleur loin des flonflons. Elle tourna les talons et regagna la petite chambre du foyer.

 ----

C’est une histoire vécue, surgie de mes souvenirs, comme souvent lorsque que je vois un mariage. J’ai juste romancé la présence au mariage. Alice est seulement allée devant l’église, en pleurs, et m’a dit avoir envoyé un baiser à Bertrand. Elle ne portait pas de robe rose.

Début septembre je quittais le foyer, mon contrat saisonnier était terminé. Le lendemain je prenais la route pour la Savoie où une nouvelle vie m’attendait (mon père venait de trouver un emploi sur sa terre natale, nous quittions le Bourbonnais). Je n’ai jamais su ce qu’était devenue Alice. Je me le demande parfois. Tant de souffrance, à peine imaginable ! Moi qui n’avais pas encore connu le grand amour, heureusement que j’étais de nature optimiste, sinon c'était un coup à entrer au Carmel ! En tout cas cet évènement m’a profondément marquée, je ne l’ai jamais oublié.

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Commentaires
V
Ce que ça peut faire souffrir un chagrin d'amour... Pauvre Alice ! Que sont ils tous devenus ?
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M
C'est une belle histoire. Après Bertrand, Alice aura rencontré un autre jeune homme, ou/et elle se sera épanoui dans son travail...la vie lui aura peut-être souri. As tu essayé de la googleliser? J'ai ainsi retrouvé quelqu'un
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A
Triste histoire et en plus bien réelle.... et mon cher Moulins comme cadre !
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R
une belle histoire, qui se termine mal à Moulins, tu penses si ça m'a interessé ! je me suis marié à Moulins, les parents de ma fiancée habitaient là, mais il n'y avait pas d'Alice qui attendait, devant l'église, en robe rose ! mon mariage fut tres heureux, mon epouse est décédée au bout de 41 ans de bonheur, vicitme d'une maladie nosocomiale contractée à l'hopital ! je n'ai jamais connu d'Alice à Moulins , je ne peux te donner de ses nouvelles , mais ton texte est super bon, compliments chere Aline, bonne soiree et grosses bises ( pour moi c'était en 1951, l'histoire c'était sans doute beaucoup plus tard!!)
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T
Ton histoire est triste mais j'espère qu'Alice a enfin trouvé sa part de bonheur. Mon histoire est aussi inspirée de fait réel, vécu par une nièce de Francis, la pauvre a mis de nombreuses années pour s'en remettre...
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