Quinze ans déjà
Daniel, mon amour, mon époux, le papa des mes enfants, cela fait quinze ans aujourd’hui que tu t’es endormi dans mes bras, définitivement. C’est si loin et si proche. Je me souviens comme si c’était hier, nous passions le week-end pascal dans notre jolie et coquette résidence de la France profonde. Le printemps éclatait de toutes parts, les oiseaux chantaient si fort ce jour-là ! J’avais acheté de quoi préparer un bon repas de famille le lendemain, pour fêter nos anniversaires.
Ce coin riant et verdoyant de mon Bourbonnais natal était ton paradis. Tu es mort dans ton paradis. Nous avions acheté cette propriété en 1982 et les jours heureux que nous y connûmes, avec nos enfants, m’avaient réconciliée avec cette région où j’avais vécu une enfance sans joie.
Nous avons savouré là tant de moments de bonheur. Bonheur festif lorsque nous réunissions famille et amis autour de la grande table dans la maison ou à l’ombre du sapin dans la cour, bonheur calme lorsque nous nous retrouvions seuls, bonheur tout simple d’écouter le jour qui s’endort et la vie nocturne qui s’éveille. Un chien qui jappe au loin, les moutons qui bêlent dans le silence, les chauves-souris qui nous frôlent, les mulots nocturnes qui courent dans la haie, les hannetons qui s’empiègent dans nos cheveux et ma Maman un peu plus bas dans le hameau, qui appelle ses cinq chats chacun par leur nom pour leur donner à manger. Il en manquait toujours un à l’appel, cela nous faisait sourire. Puis, la nuit tombée, nous guettions l’Etoile du Berger, et les étoiles s’allumaient une à une, et les étoiles filantes nous charmaient. Nous restions là des heures durant, silencieux, émerveillés par tant de beauté, enivrés par le parfum du chèvrefeuille ou du lilas.
Je n’écris pas ces mots pour m’apitoyer et faire pleurer mes lectrices et lecteurs, je souhaite juste rendre hommage à l’Amour de ma vie. Car envers et contre tout, j’aime profondément la Vie même si elle m’a cabossé l’âme et le cœur.
Mon grand regret est que Daniel n’ait pas eu la joie de connaître ses cinq petits enfants, il a seulement connu Benjamin qui avait sept mois au moment du décès. Comme il était heureux et fier devant ce petit bébé ! Mes enfants parlent de leur grand père à leurs petits, leur montrent des photos, ils le connaissent ainsi, en imagination. Et moi je me souviens, de tout, j’ai eu de difficiles soirées d’hiver où mes larmes brûlantes ont coulé sur mes joues glacées. La douceur de vivre est revenue, je ressens juste une douce nostalgie d’un bonheur enfui et pourtant si présent en moi.